de la Pénitentiaire à la DGFIP

J’avais 19 ans, aujourd’hui 30, lorsque je me suis décidé à passer le concours de surveillant pénitentiaire, en voyant le fameux spot publicitaire à la télé.
Je me suis présenté au concours sans avoir ouvert un seul cahier.

Le déroulement du concours se fait en 3 étapes :
1) l’épreuve écrite qui comporte un QCM et une rédaction à faire en fonction d’un incident donné (en rapport avec le monde carcéral)
2) l’épreuve sportive : une course de 1000 ou 1500m je ne sais plus vraiment, un sprint de 100m et un lancer de poids avec 3 essais.
3) Dans la même journée : tests psychotechniques, entretien avec une psychologue et entretien avec un jury qui était composé il me semble de 3 personnes (un surveillant, un officier et un directeur)

Après l’obtention du concours, j’ai dû renvoyer quelques papiers administratifs et  j’ai passé une visite médicale avec test de dépistage de produits stupéfiants.

Je suis rentré à l’Ecole Nationale de l’Administration Pénitentiaire (ENAP) à Agen le 05 juillet 2010 jusqu’à fin janvier 2011 où nous étions 600 environ.

Nous étions logés dans des chambres avec WC et salle de bain par 2.
Durant l’école, outre les cours et les examens importants (les notes déterminent le classement de chacun à la fin), j’ai effectué un stage de 15 jours au centre de détention de Val de Reuil (plus grand centre de détention d’Europe) où je ne faisais que suivre le surveillant titulaire, et un stage de 2 mois à la Maison d’Arrêt de Rouen où au bout d’une semaine on nous donne les clés pour gérer sa coursive (en gros 90 détenus).

La période durant l’école est assez longue mais remplie de moments de détente et de convivialité avec les camarades. Nous étions répartis en groupe et je dois dire qu’avec le mien on a pas mal rigolé (sorties, bar, pétanque, console...etc)

Concernant les cours, je ne me rappelle pas de tout

mais nous avions entre autres : Histoire pénitentaire, du droit, des mises en situation, du tir (HK G36, fusil à pompe, Sig Sauer…), des cours d’auto-défense avec pour but d’apprendre à maîtriser un individu...etc…

Nous avions donc une note pour chaque matière + le stage de 2 mois qui était noté + un oral à la fin de la scolarité. Tout ça faisait une moyenne et nous donnait notre rang sur les 600 et quelques que nous étions. J’avais terminé 40ème donc ça va.

Il faut savoir que bien terminer à l’école est primordial car à la toute fin (le dernier ou avant-dernier jour) nous étions tous réunis dans un amphi avec en grand devant nous une liste de prisons avec le nombre de places à pourvoir dans chacune de celles-ci.

Et donc on commence par le 1er qui choisit, et après le deuxième et ainsi de suite.

Etant du Pas-de-Calais à la base, je voulais me rapprocher au plus près de la région, mais surtout éviter la région parisienne très mal réputée (à juste titre!).

J’ai réussi à avoir la seule place à pourvoir au sein de la Maison d’Arrêt de Rouen.
J’étais plus que content car c’est là où je voulais aller. En ayant fait mon stage là-bas, je n’arrivais pas en terre inconnue.

Voilà, l’école finie, je trouve un appartement à louer à 15min de la Maison d’Arrêt de Rouen et y emménage avec ma conjointe et son enfant d’un an et demi à l’époque (12 ans maintenant, putain je suis vieux…).

Me voilà arrivé à mon premier jour en tant que surveillant stagiaire pendant un an avant d’être titulaire, on m’affecte dans une équipe (il en a 7 au total), composée d’environ 15-16 surveillants chacune, on fait les présentations avec tout le monde etc.…

Pour information, dans une Maison d’arrêt on a de tout. C’est à dire, des condamnés de moins de 2 ans qui font toute leur peine dans l’établissement, des condamnés à plus de 2 ans en attente de leur transfert vers un centre de détention ou une Centrale, des prévenus en attente de leur jugement, un quartier mineur, un quartier dit SMPR, Service Médico Psychologique Régional  (pour les cas psychiatriques) et un quartier femme.

Ensuite il faut savoir que nous étions affectés à un étage pendant trois mois, et après ça changeait.
Les premières années, on se tape les pires étages de la prison. Normal, les anciens ont donné et comme on dit chacun son tour.
Ce n’est pas de tout repos, mais ça va je les gérais bien. Mon caractère fort m’a bien aidé à savoir me faire respecter ! Ne pas prendre ça pour de l’arrogance, je ne dis pas ça pour me lancer des fleurs. J’avais des collègues qui se laissait un peu marcher dessus et c’était le bordel total à leur étage ! Il y en a même qui vomissaient avant de prendre leur service tellement l’angoisse, la peur et la crainte les submergés !!!!

Le rythme de travail était celui-ci par exemple :

Lundi : 6h45-13h00, mardi : 12h45-19h00, mercredi : 12h45-19h00, jeudi : 6h45-13h00 et 18h45-7h00, vendredi : repos à partir de 7h00, samedi : repos et dimanche on reprenait notre cycle de 4 jours… EPUISANT à force !! Franchement respect aux anciens qui ont fait ça toute leur vie !!!!

J’avais un VRAI week-end complet, c’est à dire samedi et dimanche en repos plein que tous les 3 mois environ… Souvent j’étais rappelé car il y avait pas mal d’arrêts maladies...

La journée « type » c’est :

-6h45 prise des clés
-7h00 on fait l’appel des détenus en vérifiant pour chacun d’entre eux qu’ils sont vivants en les faisant bouger non pas sans mal, car ces « messieurs » dorment à cette heure-ci et râlent…
- de la fin de l’appel jusqu’à 10h00 j’envoyais au compte goutte les détenus à la douche quand ceux-ci se manifestaient pour y aller.
- Entre deux à 08h30, on faisait le tour de notre division pour envoyer ceux qui voulaient aller  en promenade jusque 09h30. Et de 10h00 à 11h00 il y avait un autre tour de promenade.
-Vers 11h30-12h00 on distribuait le repas (entrée, plat, dessert et une baguette de pain chacun).
- Vers 12h45 encore un appel et à 13h00 fini

-MAIS entre tout ça, il y avait les rdv à l’infirmerie, les parloirs, le sport, les travailleurs, les activités comme par exemple la sophrologie, les rdv de culte, les rdv avocats, rdv avec le conseillers d’insertion et de probation etc...
-MAIS AUSSI tous les problèmes de chacun à gérer (cohabitation difficile en cellule, untel voudrait que je lui passe ceci cela, ceux qui se tranchent les veines, ceux qui font des crises d’épilepsie, ceux qui m’ont pris la tête pour des queues de cerises, ceux qui traînent je ne sais où suite à un rdv etc….).

Pour ceux qui est de la nuit, on se contentait de faire des rondes à l’oeilleton pour voir si tout allait bien et d’être dans les miradors. Mais fatigant…

Après, il ne se passait pas une semaine sans intervenir sur un détenu pour l’amener au quartier disciplinaire parce qu’il avait bousculé/frappé un surveillant par exemple. Et là il fallait être vigilant et envoyer du steak comme on dit :), parce que pour la plupart, ils ne font rien d’autre que des pompes ou tractions (outre la console et télé), donc des beaux bébés !

Il m’est arrivé deux fois de prendre un coup de poing dans le visage (vengeance après hein normal) et une fois sur une intervention je me suis fais une entorse du genou.

Plus les années ont passé et plus on me donnait des meilleurs étages/postes. J’avais fait mes preuves en clair…

Je pourrais raconter 1001 anecdotes franchement, j’ai déjà dépendu quelqu’un, éteint des feux de cellule, sauvé un détenu inconscient qui se vidait de son sang après s’être coupé les veines (j’aurais peut-être dû le laisser en y repensant) etc.…

Au bout de quasiment 7 ans j’en ai eu marre. Pas du boulot en lui même mais du rythme de travail qui use irrémédiablement, des vacances imposées, de travailler quasiment tous les week-end, de faire des nuits tout les 6 jours, de bosser une fête sur 2 (soit noël ou nouvel an), de rater les soirées dans la famille ou entre amis le week-end, et de laisser ma femme gérer nos 3 enfants seule…

J’ai donc passer le concours commun C en interne, pareil que celui de surveillant, c’est à dire que j’y suis allé la fleur au fusil mais je l’ai quand même eu.

Malgré mon ancienneté, je me suis retrouvé en poste à la trésorerie hospitalière de Saint-Denis fin 2016.
J’ai donc dû encore déménagé avec ma famille. Je suis allé dans l’Oise car je ne voulais pas que mes enfants grandissent dans cette région.
J’ai fait pendant 1an et demi, 1h30 le matin pour m’y rendre et 2 heures le soir pour rentrer…
Entre temps j’ai demandé ma mutation et depuis mars 2018 je suis affecté sur Senlis.